La Grande Chaîne des Métiers du Livre
Partie III - La Librairie
Cet article fait suite à la précédente partie sur la Grande Chaîne du Livre consacrée à l’édition. L’objectif est toujours de mieux faire connaître les Métiers du Livre, leurs arcanes parfois complexes, les choses ignorées du grand public, mais aussi de dégriser certains fantasmes, briser certaines idées reçues.
Nous avons suivi le parcours d’un manuscrit, du disque dur de l’auteur jusqu’à son impression en milliers d’exemplaires par l’imprimeur, puis son stockage chez le distributeur. Le livre est prêt à être commercialisé, il a une date de sortie : mais comment ces suppôts de Satan que sont les libraires vont-ils gérer sa vente ?
1/ Comment savoir si je suis libraire ?
Cette question désormais traditionnelle dans notre saga peut recevoir cette-fois-ci une réponse très simple : le libraire est celui qui vend des livres. C’est le commerçant, le détaillant dont le produit vendu principal est le livre, soit en France tous les produits manufacturés dont le code-barre commence par 9782. Cependant, on trouve plusieurs configurations bien distinctes, qui ne changent pas le cœur du métier mais peuvent en modifier certains aspects secondaires :
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- Je travaille dans une grosse librairie indépendante (Goulard à Aix-en-Provence, Ombres blanches à Toulouse, Maupetit à Marseille…), vénérable institution en plein cœur de la grande ville qu’elle dessert. On est entre 20 et 50 employés (parfois jusqu’à 100 ou 200 dans les énormes machines comme Decitre à Lyon et Mollat à Bordeaux), pour la plupart libraires si on excepte les postes techniques et administratifs (caisse, maintenance, entretien…) et les réceptionnistes (ou « metteurs à part », qui reçoivent les cartons de livres et les intègrent au stock). On distingue en général deux types de postes :
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- L’aide-libraire, qui fait un travail « d’exécutant », est focalisé sur le rangement, l’accueil et le renseignement, dans tous les rayons de la librairie ou sous la responsabilité d’un/e chef de rayon en particulier. Souvent en CDD, il ou elle espère devenir un jour…
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- Le/la chef de rayon, en général plus expérimenté.e et/ou qualifié.e, en CDI, ajoute à ces taches la gestion de son rayon, la veille, le travail avec les représentants, la programmation d’événements, et plus globalement la connaissance spécialisée de son fonds spécifique. En vrai, il existe des situations intermédiaires entre aide-libraire et chef de rayon, mais pour simplifier la démonstration de cet article je vais tout le temps considérer que je suis quelque chose comme un chef de rayon.
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- Je travaille dans une grosse librairie indépendante (Goulard à Aix-en-Provence, Ombres blanches à Toulouse, Maupetit à Marseille…), vénérable institution en plein cœur de la grande ville qu’elle dessert. On est entre 20 et 50 employés (parfois jusqu’à 100 ou 200 dans les énormes machines comme Decitre à Lyon et Mollat à Bordeaux), pour la plupart libraires si on excepte les postes techniques et administratifs (caisse, maintenance, entretien…) et les réceptionnistes (ou « metteurs à part », qui reçoivent les cartons de livres et les intègrent au stock). On distingue en général deux types de postes :
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- Je travaille dans une Grande Surface Spécialisée dans les produits culturels (FNAC, Cultura). On me force à porter un gilet. Il en existe de toutes les tailles (depuis les petite franchises de gare de quelques employés jusqu’aux gigantesques magasins des Halles avec des centaines d’employés). On retrouve ici des aide-libraires sur des contrats courts et très « jetables » qui enchaînent en moyenne 25 CDD par an (j’exagère à peine, à mes débuts à la FNAC j’ai enchaîné jusqu’à 13 CDD d’affilée) et des chefs de rayons plus installés. Les tâches sont peu ou prou les mêmes qu’en librairie indépendante, à ceci près que même les chefs de rayon peuvent rencontrer des pertes d’autonomie sporadiques – je sais que depuis mon départ de la FNAC en 2014, ne plus travailler avec les représentants est devenu tendanciel, la gestion est de plus en plus « pilotée » depuis des centrales d’achats. Toutefois, les employés de grandes surfaces spécialisées restent de « vrais libraires », tout aussi compétents et qualifiés que chez les indés. Ne les méprisez pas par pitié.
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- Je travaille dans l’espace livres d’une Grande Surface Alimentaire non-spécialisée en produits culturels (Leclerc). Je suis plein de bonne volonté et c’est sympa de ranger des livres plutôt qu’autre chose, mais je n’ai pas un très grand périmètre d’action.
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- Je travaille dans une petite libraire de quartier ou de village (ce qu’on appelle une librairie de 2e niveau). On est entre 2 et 5 employés, et on est très polyvalents. On est généralistes (on propose des livres de tous les rayons), voire même on peut proposer de la presse (d’ailleurs la frontière avec un kiosquier ou un buraliste est parfois ténue), des cartes, des jouets, des goodies, de la papeterie. Il n’y a pas de chefs de rayon, on peut avoir des spécialités mais tout le monde fait de tout. Par contre on peut trouver la situation d’un patron qui gère la partie « entreprise » et des employés qui gèrent la partie « librairie & clientèle ».
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- Je travaille dans une petite librairie spécialisée. Souvent je suis seul, ou on est deux associés, ou un patron avec un ou deux employés. On propose un segment éditorial bien précis (BD ou jeunesse très couramment, mais parfois aussi SFFF, cuisine, voyage, religions…). J’ai en quelque sorte l’éventail des taches d’un chef de rayon, mais en plus je dois assurer la gestion d’entreprise dans son ensemble (administratif, comptabilité, etc.). J’ai intérêt à être ultra passionné et un immense connaisseur du segment éditorial que j’ai choisi, parce que le concept de mon établissement (par rapport à un rayon de librairie généraliste par exemple), c’est précisément l’exhaustivité, la précision, l’expertise.
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- Je travaille chez un bouquiniste ou dans une librairie d’occasion. Je fais le même boulot que dans une petite librairie de quartier, mais je ne vends pas du neuf. Je rachète auprès des particuliers ou dans des circuits d’approvisionnement professionnels des ouvrages de seconde main à très bas prix (en général je les paye moins de 10 % du prix de vente neuf HT), et je les revends à un montant soldé, en me dégageant une petite marge. Si j’ai cette expertise, je peux aussi faire librairie de rare qui vend des éditions précieuses à un public de collectionneur. Enfin, je peux tout à fait hybrider tout ça et travailler dans une librairie qui fait à la fois un peu de neuf, de l’occasion et du rare (c’était le cas de mon tout premier job en librairie à Marseille quand j’avais 18 ans).
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- Je travaille dans une librairie France Loisirs. Mon travail est d’escroquer les gens.
Il existe encore plein de cas : librairies de musées, librairies de soldés, librairies d’éditeurs, mais bref, simplifions, si vous bossez en librairie vous êtes probablement dans un des cas ci-dessus. Mais à présent que je suis librairie, que je suis arrivé à la librairie le matin et que j’ai bu mon café, qu’est-ce qui va se passer ?
2/ Le réceptionniste vient d’entasser plein de caisses bourrées de livres à mes pieds, je fais quoi ?
Eh ben je range tout leur contenu, pardi !
Intéressons-nous d’abord au réceptionniste. Le réceptionniste (ou metteur à part) est en général un type sympa mais un peu taciturne parce qu’il bosse toute la journée dans un sous-sol, dans une cave, ou a minima dans une pièce sans fenêtres. Il arrive plus tôt que tout le monde le matin et accueille avec un grand sourire le camion de transport qui lui décharge des énormes palettes de plusieurs tonnes sur les pieds. Il récupère tous les cartons, les emporte dans sa pièce secrète, les déballe et entreprend d’intégrer chaque livre informatiquement à la base de données de la librairie, qui est gérée par un logiciel (Ellipses, Medialog, etc.). Il faut pour cela scanner leurs codes-barres avec une douchette, compter précisément les quantités et ne pas se tromper bordel sinon ça fout le sbeul dans le pardon je reprends. Donc chaque référence est associée à une notice et intégrée à une base de données qui est mise à jour en temps réel, à chaque entrée (intégration) ou sortie (vente, retour, correction) de stock. Il ne faut pas confondre la référence (un titre en particulier, associé à un ISBN*) et les exemplaires (la quantité de livres reçus d’une même référence – on reçoit presque toujours plusieurs exemplaires d’une même référence).
* N’essayez pas de vous la péter avec votre connaissance de l’ISBN ou International Standard Book Number, soit le code à 13 chiffres qui identifie une référence (et elle-seule) : il s’agit peu ou prou de la même chose que le code-barre, ou EAN. Vous pourrez vous vanter quand vous saurez que lorsque vous avez l’ISBN d’un livre, vous n’avez besoin d’aucune autre information : avec ce seul code vous retrouverez l’exacte référence en toute circonstance, y compris en recherche sur le net. Vous pourrez aussi vous vanter quand, comme moi, vous saurez taper un ISBN sur un pavé numérique sans regarder en 3 secondes et enchaîner ça 120 fois pour suivre une liste de réassort.
Le réceptionniste a donc une tâche ingrate parce que on va pas se mentir elle est chiante, et en plus chacune de ses erreurs impacte tout le reste de l’équipe et après on lui râle dessus. En effet, le libraire doit être certain à chaque instant de savoir s’il a telle ou telle référence en magasin, et en combien d’exemplaires. S’il y a une erreur de comptage de 1 à la réception, en bout de chaîne le libraire va se retrouver avec un exemplaire fantôme, qui est noté informatiquement mais qu’il ne trouvera jamais matériellement en rayon parce qu’il n’existe pas. Evidemment, les librairies font tous les ans des inventaires (ultra-chiants, et le soir tard ou le matin tôt parce que c’est long et qu’il faut le faire hors ouverture au public) pour corriger les inévitables erreurs de stock.
Quand le réceptionniste a tout bien récupéré et trié par rayons l’arrivage du jour, il le transmet et le dispatche aux collègues libraires en fonction de leurs postes. A son arrivée sur son rayon (idéalement) le libraire trouve des caisses bien garnies (ou des cartons chacun fait comme il veut) et doit intégrer les livres à ses rayonnages. Si le réceptionniste est bienveillant, il aura pris soin de distinguer deux types d’arrivages :
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- Les nouveautés : de nouvelles parutions toutes fraîches qui viennent de sortir. On les reçoit le jour précis prévu pour leur parution (ou alors la veille voire l’avant-veille, mais on n’a pas le droit de les mettre en vente avant la date de sortie officielle, sinon on est un gros salaud).
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- Le réassort : les références que vous suivez tout le temps, qui ont intégré le fonds de votre librairie, et que vous recevez au fur et à mesure de leurs ventes. On parlera plus tard de la gestion du réassort.
A la louche, dans votre librairie, 70 % de vos exemplaires sont votre fonds et 30 % vos nouveautés.
3/ Comment je range (ça a l’air chiant) ?
Le rangement est pourtant une partie non négligeable du métier de libraire, peut-être même l’occupation majoritaire de son temps de travail. On ne le dira jamais assez, libraire est un métier physique et souvent intense qui peut laisser des séquelles sur le long terme (dos et nuque notamment). On manipule constamment des objets qui peuvent peser jusqu’à plusieurs kilos, on transporte des piles de livres, on se baisse ou on s’étire des rayonnages bas aux rayonnages hauts à longueur de journée.
Mais avant de ranger tout ça, il convient de trier par rayons ou par sous-rayons, c’est-à-dire les grandes catégories thématiques qui permettent aux clients de ne pas se retrouver face à un grand gloubiboulga. Vous n’aimez pas les « étiquettes » ? Huhu. Les catégories, c’est la vie. Les catégories, c’est ce qui permet de s’y retrouver. On pense avec des catégories, les catégories c’est l’intelligence. Aimons les catégories. Evidemment, et on aura le même problème en bibliothèque, il y a un dosage à trouver pour trouver la juste profondeur de catégorisation. Sans doute que ça ne sert pas à grand chose d’avoir un rayon « romans bulgares du XVIIe siècle ». Par contre, séparer les romans étrangers traduits des romans francophones peut avoir du sens. Cela dépend aussi de la taille de la librairie et de l’espace qu’on peut allouer à chaque rayon ou sous-rayon.
Ces derniers sont déterminés par le réceptionniste lors de sa mise à part, mais ils peuvent être corrigés par les libraires si des erreurs sont relevées – il peut aussi y avoir des débats pour évaluer si une référence appartient à tel ou tel rayon ou sous-rayon. Est-ce que cette BD va plutôt en adulte ou en jeunesse ? Est-ce que ce roman relève de la SF ou faut-il le laisser dans le rayon des romans « classiques » ? Est-ce un essai de sociologie ou d’anthropologie ?
Quoi qu’il en soit, on va retrouver dans la majorité des librairies généralistes les mêmes grandes catégories :
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- Littérature (sous-rayons : romans français, romans étrangers, romans policiers, romans SFFF, essais littéraires)
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- BD (franco-belge, manga, comics, humour, jeunesse à moins que ce ne soit inclus au rayon jeunesse ; de plus en plus souvent, on trouve un distinguo entre séries et romans graphiques)
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- Jeunesse (romans jeunesse, romans ado et/ou young adult, documentaires jeunesse, albums, BD jeunesse)
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- Vie pratique (cuisine, maison, tourisme, santé, développement personnel)
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- Beaux-Arts (peinture, cinéma, musique, architecture, photo)
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- Essais/Documentaires (sciences, sciences humaines et sociales, histoire, politique, droit, entreprise)
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- Autres (jeux, papeterie…)
Combien de livres vais-je devoir ranger avec mon arrivage du jour ? C’est hyper variable en fonction de la taille de la librairie, du rayon dans lequel je travaille, de l’effectif, de la période de l’année (c’est un boulot avec une très forte saisonnalité, il y a un surcroît d’activité massif de septembre à décembre, et une pause assez importante en juillet-août). Mais je peux vous donner un ordre d’idées.
Dans la librairie où j’ai travaillé pendant 6 ans, une FNAC de moyenne taille avec une équipe d’environ 6 chefs de rayon temps plein en CDI + quelques aides-libraires en contrats courts, je m’occupais du rayon BD. Une journée normale en période normale, par exemple un mardi du mois de mars, je pouvais recevoir entre 3 et 10 caisses remplies de BD, dont environ 1/3 de nouveautés et 2/3 de réassorts. Ce sont des caisses vertes comme ça vous en avez forcément déjà vues :
Vous pouvez deviner qu’elles peuvent contenir entre 20 et 30 livres de format standard. En BD, si on considère qu’il y a des formats plus grands que ça (franco-belge) et plus petits que ça (manga), c’est à peu près pareil. Disons donc que ce mardi de mars, j’ai reçu 8 caisses de 25 livres chacune, soit 200 livres à ranger dans la journée, à intégrer sur les étagères de mes rayons (pour le réassort) ou sur mes tables de présentation et autres podiums (pour les nouveautés). Je vais espérer avoir de la place, ou je vais en « créer » en pratiquant ce qu’on appelle le « décalage » (aller chercher de l’espace en rayon là où il y en a, et décaler les livres jusqu’à libérer l’emplacement qu’il me faut). En gros, je vais « reranger » mes étagères et mes tables pour accueillir l’arrivage. Bien entendu, je dois ranger avec rigueur en respectant le classement par sous-rayons (franco-belge, comics, manga, humour), par sous-sous-rayons (par exemple dans le manga : shonen, shojo, seinen…) et le classement alphabétique (de titre ou d’auteur). Vous allez me dire que ranger 200 livres dans la journée, c’est un peu chiant mais ça se fait bien. Sauf que…
Là je vous ai parlé d’un mardi de mars. Mais certains jours de la semaine, on reçoit beaucoup plus de nouveautés. Par exemple en BD, traditionnellement le jour des sorties, c’est le mercredi. Au lieu de 2 caisses de nouveautés je peux en recevoir 6, ce qui va poser de fameux problèmes de place sur les tables (voir le point suivant sur les retours).
Mais là c’est encore rien. La saisonnalité va modifier drastiquement les quantités reçues. En août, les rayons scolaire et parascolaire vont multiplier leurs arrivages par 10. En septembre, la rentrée littéraire fait exploser l’arrivage de romans. La période octobre-novembre, de manière générale sur tous les rayons, produit des quantités de nouveautés invraisemblables – que l’on appelle communément « la came de Noël » – qui vont dégueuler des caisses à jets continus et nous forcer à stocker des palettes entières dans les réserves avant que les achats commencent enfin à se faire et à vider nos rayons et nos tables. On peut alors recevoir des dizaines de caisses par rayon et par jour, aussi bien de la nouveauté que du réassort puisque les ventes sont globalement élevées. J’ai des souvenirs de certains jours de novembre où je pouvais réceptionner jusqu’à 70 caisses comme celles que vous voyez sur la photo.
C’est une période (de mi-novembre à fin décembre) pendant laquelle on va passer nos journées à faire des allers-retours entre la réserve et la surface de vente pour la réapprovisionner, tout en faisant énormément de conseil aux clients (qui deviennent subitement ultra-chiants) et une gestion au cordeau de nos commandes et quantités (voir plus loin pour ces trucs-là). Je peux vous dire qu’on dort bien le soir quand on rentre.
4/ Non mais ça rentre plus du tout là !
Même avec les ventes, même en faisant du décalage, même en bourrant nos réserves, il y a forcément un moment où nos arrivages vont dépasser nos capacités de stockage (je rappelle à tout hasard qu’on est en situation de surproduction, pour comprendre pourquoi consultez la partie précédente). Comme tous les commerces du monde, les librairies doivent se débarrasser de leurs invendus. Mais elles ont pour cela un pouvoir magique qu’elles sont les seules à détenir et qui s’appelle : la faculté de retour.
Faire un retour, c’est renvoyer au distributeur (pour savoir ce qu’est un distributeur, voir encore la partie précédente) des ouvrages qu’on a reçus de sa part, et cela sans gros risque financier : l’achat des livres nous est recrédité sous forme d’avoir sur les prochaines commandes (il y a un système compliqué de délai de paiement à 60 ou 90 jours qui permet de faire de la provision sur retour et qui explique qu’effectuer cette rotation de marchandise ne constitue pas un risque financier pour le libraire, mais je vous épargne ça).
Tout libraire a quelque part, souvent en réserve, un endroit où il pose des caisses ou des cartons, un par gros distributeur (Hachette, Sodis, UD, Interforum…) + quelques distributeurs plus petits (Makassar, Belles Lettres, Harmonia Mundi…). On met dans ces caisses tous les livres dont on veut se débarrasser. En théorie il y a des précautions à prendre (date maximale, date minimale, autorisations de retours à signer), mais en vrai la surproduction est tellement dingue qu’on pratique souvent du retour indifférencié et un peu sauvage au quotidien. Il y a en gros trois méthodes pour faire du retour :
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- Le « picking » : je veux ranger du réassort, mais mes rayons sont trop serrés. Je vais balayer mes étagères du regard et repérer « à l’œil » des exemplaires dont je pourrais me débarrasser : reçus depuis longtemps, peu ou pas vendus, un peu abîmés, « ah tiens c’est quoi cette merde ? »… je vais quand même les « biper » (scanner leur code-barre) pour étudier rapidement leurs stats (date d’entrée, ventes, réassorts…) et confirmer ma première impression. En retournant ainsi quelques exemplaires, je dégage suffisamment de place pour caser mon réassort.
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- La rotation de nouveautés : je veux mettre en avant des nouveautés que je viens de recevoir (par exemple en 5, 10 ou 20 exemplaires par référence). Mes tables et podium de présentation sont bien entendu tout le temps occupés en totalité par des références récentes. Chaque table peut présenter jusqu’à une vingtaine, trentaine de références. Je vais repérer celles qui sont arrivées il y a longtemps et/ou celles qui se sont mal vendues (souvent, je le sais « à l’œil » parce que les piles n’ont pas baissé, mais je peux vérifier informatiquement), avec une forte présomption sur celles qui sont arrivées depuis longtemps ET se sont mal vendues. La théorie voudrait qu’on ne retourne pas une nouveauté de moins de trois mois. Non mais allô quoi c’est presque im-po-ssible d’attendre aussi longtemps vu les quantités démentes qu’on reçoit toutes les semaines (à plus forte raison sur un rayon avec autant de parutions que la BD). Pour pallier à ce problème, la seule solution est de faire un boulot de gestion hyper précis sur les commandes avec les représentants (voir plus loin) et de rester extrêmement prudent sur les quantités, tout en se tenant prêt à dégainer du réassort pour ne pas rater de ventes. Mais même ainsi on ne peut pas tout prévoir. Il n’est pas rare de retourner une pile entière d’une nouveauté qui n’a pas marché (peu de ventes ou aucune) vers 3 ou 4 semaines après son arrivée. On en a simplement besoin pour laisser la place aux nouvelles nouveautés. C’est la guerre des nouveautés ! Si la nouveauté a occasionné des ventes moyennes, on va peut-être conserver un ou deux exemplaires et les intégrer dans le fonds, parfois même dans la rotation si on y croit. A l’inverse, si une nouveauté marche très fort, qu’on la vend très bien parce qu’on l’aime bien, qu’on la défend, ou qu’elle part toute seule, on peut parfaitement vouloir la laisser des mois, voire un an, sur une table.
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- La liste : grâce à mon logiciel de gestion, je fais une interrogation statistique de ma base de données en lui posant des questions indiscrètes. Par exemple : « dans mon rayon manga, sous-rayon shojo, peux-tu me faire la liste de toutes les références intégrées depuis plus de 6 mois et non-vendues depuis plus de 3 mois s’il te plaît mon choubichou ? » Vous obtenez une liste, que vous imprimez sur de beaux A4, vous vous plantez devant le rayon et vous cherchez les exemplaires correspondants. Après c’est à vous de voir. Vous pouvez vous dire « ah non celui-là est trop choupi je vais finir par le vendre, allez zou je garde ». Mais selon le degré d’urgence et de saturation de votre rayon, vous pouvez aussi vous montrer plus drastique, et alors vous stabilotez en rose (c’est important) les lignes que vous avez déjà retournées.
Vous comprenez mieux pourquoi, dans ces conditions, la durée de vie moyenne d’un ouvrage en librairie semble si courte, réduite à quelques mois voire quelques semaines. Le taux de retours moyen, c’est-à-dire le nombre d’exemplaires qu’on retourne par rapport à leur nombre total, a explosé ces 20 dernières années, et avoisine aujourd’hui les 30 % alors que la préconisation est de 10-15 (le taux de retour a une incidence sur la marge, bref je vous la fais simple). Cela veux dire, en gros, qu’un livre sur trois qu’on fait entrer dans la librairie sera retourné. C’est un modèle économique catastrophique mais on ne peut strictement rien y faire dans notre travail quotidien.
5/ Et les commandes ça se fait tout seul ?
Eh bien non ! bien entendu. Le secret d’une bonne librairie qui a le bon nombre de références et d’exemplaires, c’est une gestion quotidienne, précise et bien dosée. Souvent, on prend une heure en fin de journée pour « faire nos ventes » comme on dit. Pour cela, on consulte sur écran ou on imprime les ventes de la veille ou d’une période donnée, c’est à dire la liste des références qui ont été achetées par des clients, et en combien d’exemplaires pour chacune. On regarde aussi d’autres stats, comme le nombre d’exemplaires restants. A partir de ces informations, on pratique principalement deux choses :
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- Les commandes de réassort : on repasse commande d’un certain nombre d’exemplaires d’une référence, parce qu’on l’a bien vendue ou qu’on estime en avoir besoin. Notez bien qu’un bon gestionnaire n’attend pas d’être à court d’exemplaires pour passer commande : le temps que la demande soit réceptionnée par le distributeur, gérée et transportée, il peut se passer entre 5 et 10 jours, et on peut facilement rater des ventes sur un tel laps de temps (l’idée générale d’un commerce de librairie est de ne pas rater de ventes, même si évidemment on peut commander et réserver aux clients). Comment choisir la bonne quantité ? C’est de l’expérience ou de l’expertise de gestionnaire de rayon. Si je vends environ 2 exemplaires par semaine d’un livre que j’ai reçu en nouveauté à 10 exemplaires il y a 1 mois, cela veut dire qu’il ne m’en reste que 2, que je risque de les vendre dans la semaine qui vient, et que je devrais donc anticiper tout de suite pour en recevoir à nouveau juste après que ces deux-là soient vendus. Selon à quel point je crois dans ce livre et en ma capacité à le défendre, je peux en commander 2, ou 4, ou 6.
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- Le paramétrage : il serait super fastidieux de passer toutes les commandes au détail, par exemple sur un rayon qui ferait dans les 5000 références, vous en vendez à la louche 500 par semaine, imaginez un peu s’il faut se farcir 500 lignes de commande à chaque fois (encore que, sans doute que parfois on le fait). Aussi je peux paramétrer mon logiciel de gestion pour automatiser des commandes quand telle ou telle référence passe en dessous d’un certain seuil d’exemplaires. Par exemple je peux lui demander : « Tu vois cette référence mon choubichou ? Elle est super importante, c’est une sortie récente et je ne dois jamais en manquer. Dès que j’en ai moins de 5 exemplaires, tu en commandes 5. » Ou alors plus souvent : « Voilà une référence que je veux suivre. Chaque fois qu’il n’en reste plus qu’un exemplaire, tu en commandes 1. »
Notez qu’on peut aussi passer des commandes pour des circonstances particulières : un événement à la librairie, ou même un truc qui va se passer dans la ville où vous bossez, ou une période de l’année (livres de Noël, d’Halloween, etc.). Il va de soi que le sens profond d’être un/e chef de rayon, c’est de gérer un fonds qui vous ressemble, basé sur des choix singuliers, motivé par votre expertise et votre passion, et dont vos commandes seront le reflet. Toutefois, ces orientations fortes que vous prenez ne doivent pas mettre en péril le commerce dans lequel vous travaillez. Vous ne pouvez pas bourrer vos étagères d’ouvrages difficiles à vendre pour la seule raison qu’ils sont les seuls dignes de représenter votre vision de l’Art et de la Culture. J’enfonce une porte ouverte mais : restez humble, les clients n’ont pas les mêmes gouts que vous, ils ont le droit d’acheter du Marc Levy ou les prédictions d’Elisabeth Tessier si ça leur chante. Vous avez besoin de ces ventes « faciles » pour financer la présence d’ouvrages plus exigeants, vers lesquels vous allez tenter de « tirer » vos clients les plus fidèles et leur faire découvrir de nouveau horizons. C’est la fameuse loi de péréquation.
6/ Comment je choisis mes nouveautés ?
Je l’ai déjà expliqué dans la partie sur les diffuseurs de l’article précédent, les nouveautés à venir me sont présentées par des représentants environ 3 mois avant leur sortie. Si je suis chef de rayon ou gérant de ma librairie, ils me contactent pour organiser un rendez-vous avec moi et on se voit pendant environ une heure. A quelle fréquence ? Je vois logiquement chaque représentant 4 fois dans l’année, et il existe une dizaine de diffuseurs importants qui nécessitent des visites régulières. On peut donc dire que je vais voir au moins un représentant par semaine en moyenne.
Pendant ce rendez-vous, qui peut aller de très cool quand le repré est cool à très chiant quand le repré est chiant, ce digne commercial tente de me faire prendre les plus grosses quantités possibles de la came qui va sortir chez les (nombreux) éditeurs qu’il représente. En général, on passe en revue les sorties éditeur par éditeur, ou rayon par rayon, et en même temps on boit un café (c’est l’occasion, car c’est une des rares fois de notre vie de libraire où on peut prendre une pause en dehors de la surface de vente).
Voilà comment ça se passe : le repré parle en premier des grosses sorties, des incontournables sur lesquels toute son énergie de persuasion est concentrée, les trucs qu’on va forcément prendre, mais reste à voir en quelle quantité ? Le repré lui, comme tous les commerciaux, a des objectifs chiffrés à tenir, et il est en partie rémunéré (sous forme de primes) à l’atteinte de ces objectifs. Il va donc déployer un arsenal de trucs en couleurs vives pour nous convaincre : des plaquettes de présentation, des vidéos qui bougent sur son ordi portable ou sa tablette, voire même des goodies pour nous soudoyer : des machins en carton merdique, des fascicules bonus, dans les cas exceptionnel on peut parfois avoir une tasse ou un porte-clé. Non blague à part il y a surtout des supports visuels dans un premier temps, et dans un second on peut demander des services de presse (des exemplaires gratuits pour se faire une idée avant parution), quitte à ce que ce soit des épreuves non corrigées (des manuscrits non finalisés).
Mon boulot à moi est de repérer les sorties qui correspondent à ma librairie et ma clientèle, ne pas verser dans la surenchère (il ne faut vraiment pas hésiter à ne pas prendre certaines nouveautés) mais ne pas rater de ventes non plus. Il y a évidemment une part subjective : je vais avoir tendance à m’enthousiasmer davantage pour des sorties qui me plaisent et me ressemblent. Si le repré n’est pas trop con, il ne pousse pas à la vente et sait très bien que ça ne sert à rien de me fourguer un truc invendable qui ne correspond pas à mon établissement et que je vais retourner en masse au bout de 3 semaines.
Pour être un peu plus complet sachez également qu’il existe des systèmes de grilles d’office chez certains diffuseurs-distributeurs, c’est à dire des listes de nouveautés avec des quantités déjà prêtes et standardisées, calculées par rapport à la taille de votre librairie, et que vous recevrez de toute façon à parution.
Notez bien que toutes les librairies ne reçoivent pas tous les représentants tout le temps. Bien des fois, le libraire peut se contenter de recevoir la documentation par mail et de remplir un bon de commande. Régulièrement dans le métier, on nous annonce la « mort imminente » du métier de représentant, qui pourrait être avantageusement remplacé par cette doc à distance. Bon, ça fait 15 ans que j’entends ça et que ça ne semble pas bouger d’un iota.
C’est en tout cas une famille de métiers que je n’ai pas eu l’occasion d’approfondir mais ils appartiennent de plein droit à nos beaux Métiers du livre (ils et elles sont très très souvent des anciens libraires ou éditeurs avec un gros bagage), avec toutefois une différence notable : ils sont putain de bien payés (et c’est bien les seuls dans toute la chaîne du livre).
7/ Bon, et les clients ils se démerdent non ?
Pensez-vous, malheureux/se ! Renseigner les clients, c’est le sel du métier ! J’irai même plus loin : c’est ce qui fait la différence entre une bonne et une mauvaise librairie (à égalité avec le travail sur l’assortiment). Il faut bien comprendre une chose : avec ses 50 000 parutions par an et son niveau incroyable de spécialisation, le marché du livre est un des plus complexes qui soient. Les clients sont souvent perdus face à la profusion, les subtilités, l’hermétisme de cette production. Nous, libraires, sommes l’interface de médiation entre un domaine dont nous avons l’expertise et une clientèle complètement paumée. Une grande partie de notre boulot consiste à transformer les demandes et besoins en solutions opérationnelles grâce à la boussole de notre expertise, qui nous guide dans la jungle.
Il y a des segments particulièrement difficiles d’accès qui vont nécessiter une assistance du libraire. Par exemple :
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- Le scolaire et le parascolaire : c’est pas compliqué, si vous ne vous êtes pas intensément impliqué dans le sujet, même si vous êtes un pro vous allez vous planter de références dans les grandes largeurs. Sur une liste donnée par une école, si vous ne faites pas hyper gaffe à plein de détails (éditeur, collection, classe d’âge, année de parution…) vous pouvez vous mettre à commander une liste de 15 ouvrages entièrement fausse (c’est ce qui m’est arrivé à mon premier job d’été dans une librairie à 18 ans) (j’en profite pour m’excuser auprès de mes collègues de l’époque de la librairie Maupetit à Marseille, oui c’était bien ma faute).
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- Les niveaux de lecture en jeunesse : un incontournable ! Ici l’enjeu est de faire très attention à la tranche d’âge pour laquelle on vous demande conseil, modulée par la capacité de lecture de la jeune lectrice/lecteur. Capacité qui est bien souvent surévaluée ou sous-évaluée en fonction du type de public qui s’adresse à vous (c’est le fameux « Clémentine peut parfaitement lire du Zola à 9 ans, elle est trèèèèès éveillée »). Pour faire du conseil adéquat sur ce segment, il faut être un minimum au fait de ce qui est attendu du niveau de lecture d’un élève dans chaque classe, de la maternelle jusqu’au lycée.
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- Un cadeau en littérature ou en BD : il n’existe pas de pire idée au monde que de déléguer à un libraire le choix de l’œuvre de fiction que vous voulez offrir à quelqu’un. Pourtant, à longueur d’année, des clients continuent à nous faire cette demande saugrenue : « choisissez à ma place ce que va aimer une personne que vous ne connaissez pas. » On sort alors toujours les mêmes armes : une description globale du profil de la personne (âge, genre, profession) et de son type de lecture habituel si on peut l’obtenir (on a parfois l’honneur de se faire communiquer un ou deux auteur/ices que la personne aime bien, ou au moins un genre). C’est dans ce genre de situation que la grosse culture littéraire qui tâche vous sera utile, mais avec l’expérience on arrive à conseiller des livres qu’on n’a pas lu, voire même qu’on ne connaît pas, grâce à une foule d’informations glanées en un coup d’œil (éditeur, collection, couverture…).
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- Les ouvrages très techniques : comme dans le droit, l’informatique ou l’entreprise. Alors là, si vous n’êtes pas la personne qui a bossé avec le représentant vous êtes mal.
On dispose heureusement d’outils pour nous aider, notamment la bien connue Electre, base de donnée très complète de (presque) toutes les parutions françaises et même plus, avec un moteur de recherche très puissant et plein de fonctionnalités hyper pratiques. C’est d’un usage courant et quotidien.
Pour le reste, les clients demandent surtout à être conseillés pour eux-mêmes – et là en théorie c’est la partie sympa du métier où vous partagez vos coups de cœur et incontournables – ou à être orientés vers le bon rayon, sous-rayon ou ouvrage particulier. Il arrive même parfois, dans des circonstances irréelles qui confinent au miracle, que certaines personnes arrivent munies de l’ISBN de l’ouvrage qu’elles cherchent (mais cela reste rare, ne vous attendez pas à voir ça dès votre premier jour en tant que libraire). Il existe mille situations marrantes que vous avez forcément vues passer dans des anecdotes sur les réseaux sociaux. Je vous les résume ici, dans l’espoir que vous deveniez des clients de librairie plus avertis :
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- « Je cherche un livre, j’ai pas le titre, pas l’auteur mais la couverture est bleue. » (sans déconner c’est pas une blague ça arrive réellement 10 fois par jour)
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- « Je cherche un livre, vous l’aviez mis là en présentation. Mais si, là, à côté de celui avec la couverture bleue. » (l’emplacement des ouvrages dans une librairie change constamment, c’est un flux qui bouge sans arrêt, nous parler de l’emplacement d’un livre le mois dernier ne nous sert strictement à rien)
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- « De toute façon c’est tout sur commande vous avez jamais rien » (dans une librairie moyenne on peut gérer entre 20 et 50 000 références, et je rappelle qu’il sort 50 000 nouveaux livres tous les ans, sans compter les réimpressions et rééditions ; je viens de vérifier sur Electre il existe environ 820 000 références disponibles en français ; dans ma librairie, je possède donc environ 5 % de ce qui existe ; je le sélectionne au mieux mais s’il n’y a pas immédiatement ce que vous cherchez c’est normal et on peut le commander)
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- « Je cherche un livre, l’auteur est passé dans l’émission de l’aut’ connard là sur je sais plus quelle chaîne » (on ne regarde ni n’écoute toutes les émissions de télé/radio qui existent, prenez des notes)
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- « Ah ben oui voilà c’était bien Millésimes de la Côte d’Armor chez Marabout, édition 2015, vous avez trouvé exactement la bonne référence. Bon ben notez-la moi sur un papier que je la commande sur Amazon » (va te faire foutre)
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- « Il est abîmé le livre vous me faites moitié prix ? » (on n’a pas le droit de pratiquer une remise supérieure à 5 % sur un livre, c’est la loi – sauf dans le cas bien particulier où on peut le solder, voir plus haut).
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- Mon anecdote préférée, ma ritournelle qui revient tous les ans environ 250 fois à chaque mois de septembre :
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- « Bonjour, vous avez le workbook ? »
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- « Oui, peut-être, lequel ? »
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- « Eh ben le workbook quoi. »
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- « Oui OK alors le « workbook » à l’école c’est le « cahier d’exercice » pour une langue, c’est un terme général mais ils ont des noms différents : comment il s’appelle le votre ? »
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- « Ah ben moi c’est « workbook ».
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- « Oui non non mais… il a forcément un autre titre… New Spring ? Enjoy English ? Welcome ?
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- « Ah ben le prof a dit « workbook ».
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- « Oui oui d’accord bon on va essayez autrement. C’est pour quelle classe ?
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- « … » (vérifie dans sa tête la classe de son enfant) « euh… 5e je crois » « Mais oui papa c’est la 5e cette année enfin ! » (le gamin est là aussi)
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- « OK alors tu l’as déjà vu ce cahier ? il est de quelle couleur ? »
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- « Euh dans les bleus je crois, mais peut-être dans les rouge ou violet. »
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- « … Bon alors voilà je vais te montrer tous les cahiers d’anglais pour la 5e tu vas me dire si tu reconnais le tien. »
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- « Ah oui mais non c’est pas pour l’anglais c’est pour l’allemand. »
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- « … Ah… Bon alors voilà les cahiers d’allemand pour la 5e là y en a un bleu… un violet… tu te rappelle lequel c’est le tien ? »
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- « Eh ben c’est « workbook ».
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- Mon anecdote préférée, ma ritournelle qui revient tous les ans environ 250 fois à chaque mois de septembre :
Tout cela est bien rigolo, mais il ne faut pas négliger toutes les aides à la décision d’achat qui peuvent justement décharger le libraire d’une partie des échanges les plus stériles : mettre en place de jolies tables de nouveauté bien pensées, estampiller des coups de cœur, pourquoi pas avec un petit texte pour donner envie si on a le temps.
A un autre niveau, le libraire peut aussi avoir envie d’organiser des rencontres, des séances de dédicaces, des animations avec des auteur/ices, plus ou moins locaux et prestigieux, qui vont faire vivre son commerce différemment et créer une émulation autour de lui.
Et voilà, nos ouvrages sont en place, les clients affluent et s’arrachent de la culture par paquets de 12, on en a fini avec la librairie. Merci de votre attention si vous avez lu jusqu’ici, et rendez-vous bientôt pour la Partie IV/ La bibliothèque